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L'Avenir est dans l'Assiette blog d'Arnaud Daguin
18 janvier 2015

Science fiction ou anticipation?

 

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Le Kilomètre zéro

 

Radio-réveil ET réveil téléphone, autrement dit ceinture et bretelles, pas question de louper le coche, aujourd'hui c'est Le Jour!

Lukas saute du paddock, de toute façon il n'a pas fermé l'œil, trop excité, le trac aussi.

Jeune cuistot basque, passé par les bonnes maisons, monté à Paris à peine il y a trois mois, voilà qu'on lui propose le "KM0" (kilomètre zéro) la célèbre journée de cuisine ultra locale de la Ferme de Paris.

Depuis sa transformation en Academie Française d'Agro-écologie, la Ferme de Paris, parrainée par les historiques (Rabbhi, Desbrosses, Bourguignon, Dufumier, Canet, Hervé-Gruyer etc...) n'a cessé de démontrer son utilité tant au niveau de l'expérimentation qu'à celui de la transmission.

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C'est un véritable concentré de savoirs et de savoir-faire agricoles et culinaires au service d'une économie propre, circulaire et ultra locale.

Les référentiels de cuisine mis au point et enseignés sur place ont déjà fait tache d'huile dans nombres de cuisines collectives du "club des territoires" et font dorénavant partie du corpus délivré par les lycées techniques.

Sur ces quelques hectares, on est à la pointe de toutes les avancées agro-écologiques, permaculture, agroforesterie côtoient couches chaudes sur Buxor et aucun mm2 n'est inutile.

On y expérimente aussi la création de sols par recyclage de déchets verts et lombricompostage à usage des nouveaux terroirs urbains (toits, terrasses, balcons, délaissés) désormais largement ouverts aux cultures.

Chaque année, une nouvelle promotion de jeunes paysans (urbains ou pas), cuisiniers et économes fraîchement émoulus s'égaillent dans les branches de cette économie en pleine expansion.

La "jauge" de production de la Ferme permet de nourrir tous les week-ends une centaine de visiteurs le samedi et une autre le dimanche. C'est l'occasion pour la cellule "ingénierie culinaire" de la Ferme de Paris de faire montre des dernières recettes mises au point à l'usage des collectivités. Une fois par mois, un chef cuisinier renommé est invité au fameux KM0 et c'est lui qui décide des plats à élaborer en fonction de l'offre stricte de la Ferme.

Légumes, fruits, herbes, fleurs, céréales, légumineuses, champignons, œufs, lait, huile, miel, l'endroit synthétise tout un bassin de production, ses confluences et surtout la capacité technique à valoriser l'ensemble de ses production en une économie circulaire sinon modélisable en l'état, du moins largement inspiratrice.

 

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Lukas connait déjà la nature des produits qu'il devra traiter. Il est venu prudemment saluer le chef de culture (et le chef d'économat) il y a quelques jours afin d'avoir une idée du disponible.

Pour le dessert, il a déjà son idée, les belles poires comice qu'on lui a montrées seront rôties à sec puis servies en quarts sur un peu de fromage de brebis frais et nappées d'un coulis de miel infusé au thym (il espère un carton auprès des gamins).

poire

Le plat principal lui est venu hier soir, ces beaux céleris boules, une fois rôtis seront débités en gros dès puis mijotés longuement, garnis de pleurotes de champignons de...Paris bien sûr et des petits oignons grelots de la saison dernière. C'est ça, façon civet, dans le rugueux vin rouge issu des quelques rangs de cépage teinturier exfiltrés de la butte Montmartre. Le terroir ici n'est pas somptueux pour un vin de table mais il produit un vin de cuisine robuste qui gagne à être réduit.

Civet de céleri donc, ça marche, les pommes de terre avec, pour bien nourrir son monde.

 

civet

Pour l'entrée, il faut être plus fin: du cru et du cuit, du chaud et du froid, peut être une mesclun (les salades étaient jolies l'autre jour) arrosée d'une soupe fine de courges (manne inépuisable d'une année sur l'autre) finie avec quelques herbes fraîches, graines de courges et fruits secs toastés.

Ah, pour la touche finale il cisèlera bien fin quelques tomates séchées sur claies l'été dernier.

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C'est parti, avec l'équipe de cuisine résidente, il lui faut maintenant traduire tout ça en processus réplicables et transposables quelque soit le nombre de convives servis. En effet, une des règles du KM0 implique que tous les plats servis soient "cuisinables" aisément sans gaspillage d'énergie et surtout sans déchet qui ne puisse être valorisé. Et ce, à la maison comme au laboratoire.

 

Pendant que la mise en place se fait en cuisine sous l'œil des webcams qui enregistrent et diffusent les recettes sur le web, les visiteurs commencent à investir les lieux. C'est par petits groupes et accompagnés par les élèves de l'académie que ce public curieux et attentif se fait expliquer les techniques et principes mis en œuvre sur la ferme. Les grandes planches "Deyrolles" du Prince Jardinier jalonnent ce parcours et s'avèrent fort utiles à la visualisation et à la compréhension de ce monde complexe qu'est un sol vivant.

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Les brebis et volailles évoluent dans des parcours arborés où leurs abris sont régulièrement déplacés. Ils participent ainsi à l'équilibre agro-sylvo-pastoral de ce biotope dont la densité de production n'est aujourd'hui égalée que dans des fermes exemples comme la ferme du Bec Hellouin ou celle de la mare des Ruffaux. C'est la bonne (et humble) compréhension de la prodigalité du vivant qui seule permet d'arriver à produire autant de biens alimentaires, de bois d'œuvre et de chauffage, de BRF de biodiversité et donc d'auxiliaires de culture sur aussi peu de surface. C'est là la vocation première de la ferme de Paris et de son académie, la seconde étant d'apprendre à valoriser de mieux en mieux chaque gramme de cette production y compris et surtout dans le geste de nourrir ses contemporains.

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Mais revenons à Lukas en cuisine. Il est en train d'envoyer une centaine de repas succulents  alignés en coût marchandise sur un repas moyen de cantine. Il est content de lui, les poires ont fait un tabac et pas seulement auprès des marmots, sa soupe fine et rustique à la fois a séduit, et son roboratif civet a nourri sans "plomber" personne. Pour les cuisiniers de sa génération, les bases de la micro nutrition sont familières depuis qu'à l'initiative du Dr Olivier Coudron (et de son institut I.N. Intelligent nutrition) et d'Arnaud Daguin (pionnier de la cuisine collective 2.0) elles sont enseignées à tous les aspirant cuisiniers.

Lukas est content, il sait que cette journée le place désormais dans le club des chefs KM0 de la Ferme de Paris. Retombées presse et missions de conseil culinaire, chaîne YouTube, réseaux sociaux, il va surfer sur cette vague pour orienter sa carrière de cuisinier, ultime maillon de la chaîne qui nourrit l'Homme.

C'est cette chaîne que la Ferme de Paris met en évidence, explique et améliore, tout en formant ceux qui vont ensuite la faire vivre.

Cela pour qu'enfin l'alimentation humaine soit fondée sur:

-une agriculture de la fertilité et non pas de la fertilisation

-une agriculture de la séquestration du carbone et non de l'émission de CO2

-une agriculture des sols vivants et non de substrats morts et lessivés par les pluies.

 

En bref, la seule agriculture qui puisse à la fois nourrir 10 milliards d'humains et changer le climat positivement.

 

AD.

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Commentaires
F
Merci Arnaud pour ta belle vision de la Ferme. J'espère qu'elle nous inspirera tous afin d'éclairer notre avenir.<br /> <br /> <br /> <br /> Fermement mais amicalement,<br /> <br /> Toute l'équipe de la ferme de Paris
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